Macro-économie et géopolitique
États-Unis – Entre données contrastées et pivot monétaire
L’économie américaine a traversé une période de turbulences en août, initiée par les révisions massives à la baisse des créations d’emplois sur le premier semestre 2025. Ces ajustements ont remis en question la solidité du marché du travail américain et ont alimenté les spéculations sur un changement de cap de la politique monétaire. Les données d’inflation ont néanmoins envoyé des signaux mitigés : si l’indice des prix à la consommation (CPI) de juillet est ressorti globalement conforme aux attentes à 2,7% en rythme annuel, l’indice des prix à la production (PPI) -souvent un indicateur avancé de l’inflation- a surpris à la hausse avec une accélération à 3,3%, bien au-dessus des prévisions du marché.
Cette divergence entre les indicateurs d’inflation s’explique principalement par les tensions sur les coûts des matières premières et de l’énergie, qui n’ont pas encore été répercutées intégralement sur les prix à la consommation. Les ventes au détail ont fait preuve de résilience et l’activité manufacturière a montré des signes de rebond, compliquant l’analyse de la conjoncture économique US pour la FED.
Le discours de J. Powell pendant le symposium annuel à Jackson Hole a marqué un tournant dans la communication de la FED. Le président de la banque centrale US a reconnu que les risques pesant sur le marché de l’emploi s’étaient accrus, évoquant un « étrange équilibre » entre l’offre et la demande de travail. Cette situation particulière masque en réalité un ralentissement structurel de l’embauche, compensé par une baisse de l’immigration qui réduit mécaniquement l’offre de travail. J. Powell a ainsi ouvert la voie à une baisse de 25 bp (points de base) lors de la réunion du 17 septembre, bien que l’inflation demeure préoccupante.
Europe – Stabilité monétaire et tensions politiques
L’économie européenne a bénéficié d’un environnement relativement plus stable que celui des États-Unis. L’inflation s’est maintenue autour de l’objectif de 2% de la BCE, permettant à l’institution de poursuivre sa politique d’assouplissement monétaire. Cette divergence avec la FED a contribué à renforcer l’attractivité relative des actifs européens.
Cependant, la stabilité économique a été perturbée par le retour de l’instabilité politique en France à partir de fin août. Les tensions autour du budget 2026 et les menaces de motion de censure ont ravivé les inquiétudes sur la trajectoire budgétaire française. Cette situation s’est traduite par un élargissement du « spread » entre les obligations françaises et allemandes, l’écart atteignant 77 points de base, un niveau élevé mais qui demeure dans des proportions acceptables.
Les négociations de paix concernant le conflit russo-ukrainien ont constitué un élément positif pour la zone euro. Les perspectives d’une résolution du conflit ont soutenu les actifs européens par anticipation d’une baisse des prix de l’énergie, un facteur positif pour les valeurs industrielles. Pour autant, un traité de paix ne remettrait pas fondamentalement en cause l’augmentation des dépenses militaires européennes, les craintes à long terme vis-à-vis de la Russie persistant.
Asie – Dynamiques contrastées
La région asiatique a affiché des performances contrastées durant le mois d’août. La Chine a maintenu sa trajectoire de croissance modérée, soutenue par les mesures de relance gouvernementales, bien que les indicateurs d’activité manufacturière soient restés sous pression. Le Japon a poursuivi sa politique de normalisation monétaire progressive, la Banque du Japon maintenant une approche prudente face aux pressions inflationnistes domestiques.
2- Les marchés par grandes régions
Marchés US – Rotation vers les valeurs moyennes
Les marchés américains ont connu une transformation notable de leur dynamique interne au cours du mois d’août. Le Russell 2000, indice représentatif des valeurs moyennes, a surperformé de manière spectaculaire avec une progression de +6,7% sur le mois, contre seulement +1,9% pour le S&P 500. Cette rotation reflète les anticipations d’un cycle de baisse des taux directeurs, les petites et moyennes capitalisations étant traditionnellement plus sensibles aux variations des coûts de financement.
Les secteurs bénéficiaires de cette rotation ont été principalement les Banques régionales, la Construction, l’Aéronautique et défense, ainsi que la Santé. Ces secteurs, longtemps pénalisés par l’environnement de taux élevés, ont retrouvé l’attrait des investisseurs. À l’inverse, les grandes capitalisations technologiques ont marqué le pas, après avoir dominé les performances depuis le rebond amorcé après la volte-face de D. Trump à propos des droits de douanes réciproques.
Les résultats de Nvidia ont illustré cette nouvelle donne. Bien que la société ait confirmé le succès de sa nouvelle génération de puces Blackwell et maintenu des perspectives de croissance supérieures à 50%, le titre a pâti de la rotation sectorielle et de prises de bénéfices assez marquées après un rallye estival de plus de +70% depuis mai. Pour autant, les perspectives indiquées par Nvidia ont rassuré les investisseurs et le potentiel haussier de la thématique IA à moyen / long terme demeure intact.
Europe – Résilience malgré les tensions politiques
Les marchés européens ont fait preuve d’une résilience remarquable face aux turbulences, malgré la crise politique française qui a pesé sur les valeurs financières. Le secteur bancaire européen a reculé de -4,6% et celui des assurances de -2,8% au cours de la dernière semaine d’août, reflétant les inquiétudes sur l’évolution de la situation politique française et ses implications pour la zone euro.
Paradoxalement, cette correction a créé des opportunités d’investissement dans un secteur qui continue de bénéficier d’un environnement fondamentalement favorable. Les banques européennes profitent toujours de la normalisation de la courbe des taux et de marges d’intérêt reconstituées, dans un contexte de risque de crédit qui demeure contenu.
Les secteurs des énergies renouvelables et des biotechnologies ont connu un regain d’intérêt significatif. Cette dynamique s’explique par la combinaison de facteurs fondamentaux favorables et d’un ratio risque-rendement redevenu attractif après une longue période de sous-performance. Le renforcement des crédits d’impôts pour les énergies renouvelables a également contribué à ce mouvement.
Asie – Stabilité relative
Les marchés asiatiques ont affiché une relative stabilité durant le mois d’août. Le Japon a maintenu sa trajectoire prudente, les investisseurs attendant les décisions de politique monétaire de la Banque du Japon. Les indices chinois ont consolidé leurs gains récents, soutenus par les mesures de relance économique du gouvernement, bien que la demande domestique reste fragile.
3- Secteurs et thématiques
Rotation technologique et consolidation de l’IA
Le secteur technologique a connu une phase de consolidation après le rallye estival. Les valeurs emblématiques de l’intelligence artificielle, à l’image de Palantir qui a perdu plus de -10% en fin de mois, ont fait l’objet de prises de bénéfices importantes. Cette correction reflète davantage des valorisations devenues exigeantes qu’une remise en cause fondamentale des perspectives de croissance de l’IA.
L’écosystème des Datacenters a également amorcé une phase de consolidation. Les équipementiers comme Arista Network, Vertiv Holdings ou Schneider Electric, ainsi que les fournisseurs de solutions énergétiques pour les infrastructures numériques, ont vu leurs valorisations se détendre après plusieurs mois de forte progression. Cette pause technique intervient dans un contexte où les investissements dans l’infrastructure d’IA demeurent soutenus, les hyperscalers maintenant leurs programmes d’expansion.
Émergence de nouveaux thèmes d’investissement
Le mois d’août a été marqué par l’émergence de nouvelles thématiques d’investissement. Les Energies renouvelables ont connu un regain d’intérêt spectaculaire des deux côtés de l’Atlantique, portées par le renforcement des incitations fiscales et des perspectives de demande liées au développement des datacenters. Le secteur solaire, en particulier, semble avoir franchi un point d’inflexion après une longue période de sous-performance.
Les Biotechnologies ont également bénéficié d’un retour en grâce des investisseurs. Cette dynamique s’explique par la combinaison de facteurs fondamentaux positifs, notamment des résultats cliniques encourageants pour plusieurs sociétés, et de la perspective de baisse des taux américains qui favorise traditionnellement ce secteur à forte intensité de recherche et développement.
Secteur aurifère en vedette
Les mines d’or américaines ont constitué le secteur le plus performant du mois d’août avec une progression remarquable de +22%. Cette surperformance, supérieure à celle du métal jaune lui-même (+4,8%), illustre l’effet de levier opérationnel dont bénéficient les producteurs lorsque les cours de l’or s’apprécient. L’or a atteint de nouveaux plus hauts historiques, soutenu par l’affaiblissement du dollar américain et les anticipations de baisse des taux directeurs.