Le brouillard statistique du shutdown nourrit les inquiétudes sur les baisses de taux de la FED

Le brouillard statistique du shutdown nourrit les inquiétudes sur les baisses de taux de la FED

Marchés

En surface les grands indices US ont peu évolué la semaine dernière avec une clôture proche de l’équilibre, ce qui est dû à la stabilité des 10 premières capitalisations dans un contexte d’hyper-concentration des indices.

Sous la surface, l’aversion au risque augmente nettement et se traduit par une forte pression sur les valeurs moyennes. Le Russell2000 a chuté de -1.7% la semaine dernière et de -2% hier tandis que les valeurs thématiques de croissance (informatique quantique, neocloud, nucléaire, cryptos…) ont enregistré de fortes baisses (ETF Innovation50 -7%). Les valeurs liées aux datacenters sont également sous forte pression tandis que les inquiétudes grandissent sur la formation d’une bulle des investissements.

En question les investissements colossaux consentis par les grandes sociétés technologiques (environ 3T$), le recours massif à l’emprunt pour certains acteurs et la durée d’amortissement des infrastructures passée à 6 ans tandis que la durée de vie d’un GPU (processeur graphique) est probablement moindre. Cela fait craindre aux investisseurs la possibilité de dépréciations massives à venir et un besoin d’investissements récurrents qui viendrait nettement réduire la génération de cash flows. Les rachats d’actions seraient aussi fortement contraints, un élément négatif pour la croissance des bénéfices par action.

Les CDS qui protègent les investisseurs d’un potentiel défaut ont nettement augmenté sur certains acteurs comme CoreWeave (thématique neocloud), Oracle et à moindre degré Meta / Facebook et Microsoft. Ces inquiétudes ont déjà provoqué des dégagements marqués sur les équipementiers dédiés aux centres de données (comme Arista Network, Dell, Super Micro Computer ou Vertiv Holdings, thématique IA) avec un impact limité pour l’instant sur les GAFAM. Les « hyperscalers » (division cloud de Alphabet / Google, Amazon, Microsoft, Oracle,…) sont actuellement engagés dans un mégacycle d’investissements, mais tout n’est cependant pas extrapolable. Il est probable que le prix des GPU finira par baisser lorsque la demande arrivera à maturité, ce qui diminuera fortement leur coût de remplacement, de même que les serveurs dédiés et les systèmes de refroidissement.

En parallèle, les prix des services facturés aux entreprises qui utilisent l’IA vont fortement augmenter dans les années à venir, ce qui viendra soutenir les cash-flows. Mais, les acteurs les plus fragiles et les plus endettés, dont certains neoclouds (par exemple, CoreWeave), sont exposés au moindre ralentissement de la demande ou à des problèmes d’exécution. La crainte alimentée par les risques sur les bilans et la génération de cash-flow des grandes valeurs technologiques pourrait amener prochainement à une correction plus marquée des indices.

Le secteur clé à surveiller est celui qui constitue le principal moteur de la hausse depuis le début de l’année, les Semiconducteurs (ETF SOXX-US) qui viennent d’enregistrer une baisse pour la deuxième semaine consécutive (-2% après -4% la semaine précédente). A ce titre, les résultats de Nvidia demain soir (19/11) seront clés pour l’évolution à court terme du secteur et des grands indices US (mais sans résoudre le problème de fond du financement de la croissance).

L’aversion pour le risque est également alimentée par les craintes d’une pause de la FED dans le cycle de baisse des taux, lors du prochain FOMC du 10 décembre. Toutes les données de l’emploi ne seront pas disponibles d’ici là et les gouverneurs de la FED semblent clairement partagés entre une nouvelle baisse de taux de 25 bp (points de base) ou le statu quo. L’inflation reste élevée, malgré une dernière lecture favorable du CPI (indice des prix à la consommation) de septembre et constitue toujours un problème, notamment au niveau des services.

L’absence de visibilité à court terme sur la politique monétaire pèse sur les valeurs de croissance, et en particulier sur les petites et moyennes capitalisations.

Par ailleurs, le marché obligataire s’est également dégradé avec un rebond des rendements qui se poursuit (4.15% pour le 10 ans). Le « flight to quality » (fuite vers la qualité) qui s’est produit vers les grandes valeurs cache une nette rotation vers les valeurs de Santé (Biotechnologies et Pharmacie notamment) ainsi que vers l’Energie, tandis que le secteur de l’Assurance US entame un rebond.

En Europe, les indices ont fortement progressé la semaine dernière (+1.8% sur le STOXX600) grâce aux secteurs de la Santé (+7% encore aujourd’hui pour Roche, Pharmacie / Suisse), de l’Energie, du Luxe, des Services aux collectivités et des financières (Banques & Assurance). Les valeurs financières ont confirmé leur retour en tendance haussière, mais ne sont pas le seul moteur de la hausse, tandis que les valeurs de Défense se stabilisent, toujours en zone de congestion.

Seuls quelques secteurs cycliques comme la Chimie ou Papier & Emballage, des secteurs liés à la consommation comme l’Automobile (recul encore de tout le secteur aujourd’hui, constructeurs comme équipementiers) ou les Biens de consommation durables, ainsi que les Médias, restent en tendance baissière.

Les dernières données macro-économiques européennes ne sont pourtant pas de nature à soutenir les indices (hausse du chômage en Grande-Bretagne, affaiblissement de la croissance allemande…), et les bonnes surprises sont plutôt à rechercher du côté des sociétés.

Comme au premier semestre après l’épisode Deepseek, les doutes sur le niveau de risques liés aux capex (dépenses d’investissement) des hyperscalers constituent un catalyseur de faiblesse à court terme aux US et de surperformance de l’Europe.

Secteurs / Thématiques

Depuis le début du mois de novembre (avant la séance du jour), le DAX a enregistré une baisse de -1.5% à comparer à 0% pour le STOXX600, +1.4% pour le MIB40, +0.9% pour l’IBEX35 et stable pour le CAC40.

La première raison de la sous-performance allemande est liée à la chute de sa première capitalisation SAP (Logiciels, -8% depuis le début du mois) qui constitue 13% de l’indice, et, à moindre degré, la correction de Siemens AG (Biens d’équipements, 10% de l’indice) et d’Allianz (Assurance, 8%). La seconde est la surexposition de l’indice allemand aux secteurs Automobile et Chimie qui sont en tendance baissière depuis de nombreux mois. Des valeurs emblématiques comme Deutsche Telekom, Deutsche Börse et Rheinmetall restent en phase de correction, tandis que les valeurs performantes comme Siemens Energy ou Deutsche Bank pèsent trop peu dans l’indice.

A l’inverse, les indices du sud de l’Europe surperforment, ce qui reflète à la fois la dynamique de leur économie et la surpondération des secteurs forts comme la Banque, l’Energie et les Services aux collectivités. Le CAC40 rebondit progressivement grâce au secteur du Luxe, et des Services aux collectivités mais reste pénalisé (notamment au niveau du secteur des Banques, très en retard par rapport aux autres banques européennes) par ses difficultés de politique intérieure (instabilité politique et fiscale).

Les indices du sud de l’Europe (IBEX et MIB notamment) devraient poursuivre leur surperformance, tandis que l’évolution du DAX est à surveiller (risque de correction si la dégradation se poursuit, voir ETF DAX-FR qui vient de passer en tendance baissière faible, signal Vente forte à court terme).

 

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