Convictions 2024 – L’inflation dans un fauteuil

Convictions 2024 – L’inflation dans un fauteuil

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Karl Otto Pöhl, président de la banque centrale allemande (Bundesbank) de 1980 à 1991 disait : “L’inflation est comme la pâte de dentifrice : une fois qu’elle est sortie du tube, il est impossible de l’y faire à nouveau rentrer”. Et ça y est – depuis deux ans, l’inflation, qui pourtant n’a cessé de disparaître depuis 1980, est sortie du tube à nouveau!

L’inflation s’installe durablement…

Si l’on observe l’histoire économique sur de très longues périodes, sur trois siècles par exemple, on s’aperçoit que les phases de hausses généralisées des prix (c’est-à-dire d’inflation) durent toujours entre trente et quarante ans, et qu’elles sont suivies de phases de baisses de l’inflation qui durent elles aussi en général de trente à quarante ans. Ainsi, les prix ont connu une phase de hausse quasi-continue depuis la fin de la seconde guerre mondiale jusqu’au début des années 80; et du début des années 80 jusqu’à fin 2021, ce furent à nouveau quarante années pendant lesquelles l’inflation n’a cessé de ralentir, et les taux d’intérêts de baisser – nous avions même en zone euro certains taux négatifs depuis 2015 -; et depuis deux ans environ, nous sommes entrés dans un cycle haussier d’inflation, qui devrait durer trente à quarante. L’inflation est sortie de son tube de dentifrice, elle est un phénomène très difficile à maîtriser, elle est là pour durer, et c’est un changement majeur pour toutes les classes d’actifs, pour les économies des pays, et pour le dettes d’Etats : après quarante années pendant lesquelles la baisse continue des taux d’intérêt ont contribué à créer des bulles sur les actifs patrimoniaux comme l’immobilier, les marchés obligataires,…, nous entrons avec le retour brutal de l’inflation dans un monde de dégonflement de ces mêmes bulles créées depuis les années 80 grâce aux taux d’intérêt bas.

 

… mais ses causes ont changé

Néanmoins, bien que durable, l’inflation est un phénomène volatil, ses moteurs varient rapidement, et elle peut connaître des flux et des reflux important au sein d’un cycle haussier. Nous avons vu qu’aux USA, les premières causes de l’inflation ont été les prix de l’énergie, puis ce furent les prix des services et la hausse des salaires qui engendraient une hausse des charges des entreprises, et donc des prix. Aujourd’hui, ces moteurs sont bien moins actifs – c’est plutôt aujourd’hui le prix des loyers américains qui soutient l’inflation. Or, nous savons que l’inflation des loyers s’arrête un an et demi après le pic des prix de l’immobilier : aussi, cette dernière cause devrait s’estomper les prochains mois aux USA, et, à moins que les autres causes ne reprennent, l’inflation pourrait continuer de baisser courant 2024… avant de repartir !

 

La digestion par les marchés du retour de l’inflation a laissé de très importantes divergences de valorisation

Comme nous l’avons vu, les deux années 2022 et 2023 ont permis aux marchés financiers mondiaux de digérer le retour de l’inflation – qui modifie en profondeur leur fonctionnement. Deux années terribles, pendant lesquelles les grands investisseurs étaient comme “tétanisés” par la hausse des taux d’intérêts due à l’inflation – en se demandant sans cesse jusqu’où l’inflation et la hausse des taux allaient continuer ? Durant cette période, nous avons vu certains indices afficher des performances remarquables – mais qui néanmoins sont portées par les parcours boursiers de quelques mega-sociétés, pendant que tout le reste de la cote restait à zero ou même continuait à baisser en 2023. Ainsi, la performance du CAC40 s’explique intégralement par celle des trois plus importantes sociétés qui le compose (LVMH, L’Oreal et Hermes), pendant que les 37 autres sociétés de l’indice ont eu, prises ensembles, une performance négative en 2023; aux USA, de façon idoine, toute la performance du Nasdaq et des 500 plus importantes sociétés américaines (S&P500), ne s’explique que par la performance de seulement sept méga-sociétés, pendant que le reste des valeurs américaines restait à zero ou continuaient à baisser en 2023. Ces deux années 2022 et 2023 pendant lesquelles les marchés se sont peu à peu habituées à ce nouveau régime d’inflation, a laissé d’immense divergences de valorisation entre différents segments d’investissement d’un même pays (les mega-cap d’un coté, et tout le reste de l’autre) : ces divergences sont autant d’opportunités à condition que l’inflation vienne, non pas à disparaître, mais seulement à cesser de s’aggraver – ce qui devrait être le cas en 2024. 

 

La nouvelle division du monde, et le nouveau Sud Global

En outre, la militarisation du dollar par les USA suite à l’opération militaire russe en Ukraine a considérablement accéléré une nouvelle division du monde, entre l’Occident d’un coté (USA, Canada, Europe, Australie, Japon), qui représente 15% de la population mondiale, et globalement tout le reste du monde (l’Asie hors Japon, le Moyen Orient, l’Afrique, l’Amérique du Sud), dont les gouvernements représentent eux 85% de la population mondiale. D’un coté, l’Occident qui soutient l’Ukraine, connaît une très forte inflation – pour la première fois en 2023, l’inflation des pays développées a été nettement plus forte que celle des pays émergents; de l’autre, les pays dits “émergents”, continuent d’acheter des matières premières énergétiques et agricoles à la Russie, et abandonnent progressivement le dollar dans leurs échanges internationaux (c’est historique). Les pays du « Sud Global » comme on les appelle parfois, sont en train de créer leur monnaie commune, basée sur l’or et les matières premières (pour éviter la création monétaire sans fin que connaissent l’euro et le dollar); ils sont en train à grand pas depuis février 2022, au sein du forum des BRICS, et de l’Organisation de la Coopération de Shanghaï (OCS) notamment, d’organiser tant leur coopération économique, leurs échanges internationaux, leur protection militaire réciproque, et finalement d’organiser à grand pas un système international et multipolaire, qui défie ouvertement désormais les institutions supranationale qui tendent à devenir de plus en plus unipolaires en affaiblissant la souveraineté des peuples, pour être dominés finalement sans partage par une certaine USA (OTAN, OMC, UE, OMS, etc…). Cette domination, et cette instrumentalisation à son propre intérêt de guerres, de monnaie, et de règles internationales (tant commerciales, diplomatiques, que militaires, qui sont régulièrement transgressées depuis février 2022) par une certaine Amérique est ce que rejette activement la presque totalité des Etats asiatiques, d’Afrique, du Moyen Orient, et d’Amérique du Sud. Dilma Roussef, la présidente du Brésil avant Jair Bolsonaro, est aujourd’hui présidente de la Banque internationale des BRICS (Brésil, Russie, Inde Chine, Afrique du Sud), qui a été rejointe par une quinzaine de pays l’année dernière (dont des pays majeurs pour l’économie mondiale comme l’Arabie Saoudite, l’Iran, …). Ces pays du Sud Global sont nettement moins touchés par l’inflation structurelle que les pays occidentaux, ont des valorisation beaucoup plus basses qu’en Occident, une croissance plus robuste, des banques centrales qui n’ont pas été surprises par le retour de l’inflation, et dont un certain ont déjà commencé à baisse leurs taux… Tant au point de vue économique, monétaire, politique, géopolitique, le Sud Global est comme un miroir inversé de l’Occident. 

 

L’inversion de la soutenabilité des dettes de l’Occident et des pays émergents

Conséquemment, un autre phénomène historique auquel nous assistons, et qui constitue d’ailleurs à notre sens le principal risque sur les marché, est la forte dégradation de la soutenabilité de la dette des pays développés, qui est en augmentation colossale depuis trois ans. Juste en France, ces trois dernières années, la dette totale accumulée du pays est passée d’environ 2000 milliards d’euros début 2020, à plus de 3000 milliards à ce jour, en trois ans; et pour la première fois, la dette dépasse le patrimoine détenu par l’Etat français de plus de 600 milliards… C’est une augmentation de dette qui ne créée pas de patrimoine public, pour la première fois. Et cette très forte augmentation de la dette est commune aux autres pays développés, USA en tête. Tant que les taux d’intérêts baissaient, pendant ces quarante dernières années, cela ne posait guère de problème, mais avec le retour de l’inflation, la situation va devenir de plus en plus complexe, et la soutenabilité de la dette des pays occidentaux va devenir un vrai sujet d’inquiétude. Nous pensons que les banques centrales occidentales, tant européennes qu’américaines, auront à coeur de baisser leurs taux d’intérêts aussi rapidement que l’inflation le leur permettra, afin d’éviter que les pays développés ne connaissent une récession qui aggraverait fortement le ratio de la dette sur le PIB du pays, et pour éviter qu’un accident sur la dette des Etats ne survienne. Ce sont des problèmes que ne connaissent pas (ou plutôt que ne connaissent plus désormais) la plupart des pays émergents – dont la dette, contrairement à celle de l’Europe, du Japon et des USA, est globalement très bien maîtrisée. L’endettement des USA suit une trajectoire digne d’un pays émergent. Nous assistons à une inversion de la fiabilité des dettes des pays développés, qui se comportent comme les pays émergents il y a dix ans, et les pays émergents, qui au contraire sont devenus beaucoup plus rigoureux et efficaces dans leurs politiques monétaires et budgétaires. 

 

Les possibles surprises déflationnistes à venir : l’IA et la productivité du travail

Néanmoins, de bonnes surprises sont sans doute à l’horizon pour les pays développés, qui devrait permettre de juguler un peu l’inflation – en particulier, l’essor commençant de l’Intelligence Artificielle Générative (avec laquelle nous n’avons PAS écrit cet article, que cela soit dit…), dont le développement va permettre des gains de productivité majeurs, et la destruction de près de 300 millions d’emplois dans le monde si l’on en croit les statistiques américaines… Mauvaise nouvelle pour les travailleurs, la révolution en cours de l’IA générative aura néanmoins un impact très fort sur l’inflation, en créant un tsunami de déflation, qui réjouira…le consommateur ! Par ailleurs, nous voyons que la productivité générale du travail, en particulier aux USA, pourrait connaître un essor cyclique, ce qui pourrait permettre d’endiguer en partie la hausse structurelle de l’inflation.

 

De nombreuses opportunités liées aux divergences de valorisations

Ainsi, avec l’arrêt de la hausse des taux d’intérêts des banques centrales européennes et américaines en fin d’année dernière, ces deux années terribles sur les marchés ont laissé de très importantes différences de valorisation entre les actifs : les actions de “sept magnifiques” aux USA s’envolent, en laissant à l’abandon tout le reste des entreprises américaines; les différences de valorisation entre les actions des pays développés et celles de nombreux pays émergents sont très importantes, tout autant que leurs perspectives de croissances. Sur les devises également, les ajustements de taux et de croissance des pays, ainsi que le mouvement structurel d’abandon progressif du dollar par de nombreux et importants pays émergents dans leurs échanges internationaux, devraient amener d’importants réajustement – en particulier, l’appréciation de nombreuses devises émergentes vis-à-vis du dollar. Si les taux cessent de monter.

Nous pensons que les marchés vont peu à peu se remettre à fonctionner, comme nous le constatons depuis octobre 2023.

 

Nos portefeuilles

Les grands axes de nos portefeuilles sont les suivants :

Nous avons d’importantes positions en action sur l’intelligence artificielle (qui est au début de son essor), sur les actions notamment américaines de croissance délaissées depuis deux ans, sur les actions émergentes à fort potentiel dans le nouveau monde qui se dessine (en particulier l’Inde, l’Arabie Saoudite et le Moyen Orient, le Brésil,…), et qui présentent une importante réserve de valeur. Les actions représentent environ 55% de notre portefeuille dynamique.

Et nous conservons une pondération importante en gestion alternative active, pour profiter des différences de taux d’intérêts, de l’ajustement des devises mondiales, des flux et reflux de l’inflation, de façon non-directionnelle.

Conformément à notre méthode, nous sélectionnons les meilleurs spécialistes mondiaux pour chaque marché – et les sociétés de gestion que nous avons en portefeuille sont par ordre alphabétique : Alquity, Financière de l’Echiquier, Galilée AM, Global Quality Growth Partners (GQG), H2O AM, JP Morgan, Mirae Asset Management, NS Partners, Seilern AM, Wormser Frères AM.

Avec l’arrêt de la hausse des taux d’intérêts, les investisseurs vont pouvoir peu à peu réinvestir les marchés, qui présentent, en raison des déséquilibres de ces deux dernières années, d’importantes réserves de valeur.

Nous restons à votre entière disposition,

Christophe Brochard
Conseil en investissement financier agréé
Président de Groupe Quinze – Gestion Privée

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