Article publié par Christophe Brochard, le fondateur de Groupe Quinze dans Décideurs Magazine, le 18 janvier 2023.
(Temps de lecture : 5 min)
Depuis 2020, qu’il s’agisse de politique sanitaire, militaire, écologique ou de sanctions économiques, le politique occupe une place de plus en plus importante et durable dans la formation des prix de marché. Il est désormais nécessaire de prendre en compte cette mutation dans les investissements patrimoniaux.
« It’s the economy, stupid! » (« C’est l’économie, imbécile ! ») On se souvient de la phrase de James Carville, conseiller de Bill Clinton dans sa campagne électorale victorieuse de 1992, face à George Bush. La phrase, devenue célèbre, signifie que la prospérité économique d’un pays est ce qui fait remporter les élections aux hommes politiques. Le politique, depuis, ne traite d’économie qu’avec une délicatesse appuyée et un soin particulier; les financiers l’ont compris : ils ont pris l’habitude de voir le politique revenir toujours sur ses décisions, plus ou moins rapidement, plus ou moins brillamment, lorsque cellesci compromettent gravement la bonne santé de l’économie.
Toutefois l’apparition de décisions politiques d’un nouveau genre, et à répétition depuis 2020, marque-t-elle la fin de cette époque où l’économie, tel un principe de réalité, limitait le pouvoir des politiques ? Sommes-nous entrés dans une ère où l’homme politique peut réduire, voire détruire dans certains cas, la prospérité économique de pays ou de zones économiques entières, sans crainte pour sa réélection ?
Jusqu’en 2020 au moins, les investisseurs pouvaient se faire peur à relativement court terme pour des raisons politiques , mais les marchés reprenaient vite leur vie normale et revenaient « toujours », tôt ou tard, à une valeur des actifs définie par les seuls niveaux, actuels ou anticipés, des données macroéconomiques du moment. Les événements politiques, si tragiques soient-ils, n’étaient finalement que du bruit sur la courbe. L’investisseur intelligent a d’ailleurs pris l’habitude de trader à court terme ces moments de surprise politique et ces « retours à la moyenne » des marchés, en raison du souci des politiques de corriger autant que possible les vents économiques contraires causés par leurs décisions : « It’s the economy, stupid! » Cette époque semble pourtant terminée.
Vers la fin de l’ère “It’s the economy, stupid!”
Depuis 2020 au moins, avec l’apparition de décisions politiques qui prennent en otage de façon presque totale l’économie de pays entiers, on constate que le soin et la prudence du politique vis-à-vis de la société civile ont disparu. Presque partout dans le monde, on trouve des décisions politiques unilatérales de confinement de pays entiers, de couvrefeu, de fermeture des frontières, de mise au ban de certaines catégories de la population pour motif médical, de limitation des déplacements, de pressions politiques dans la durée qui engendrent progressivement une pénurie dans la production d’énergies essentielles (nucléaire, gaz, pétrole…), suivie de la décision de réduire la consommation de ces énergies (-15 % de consommation en zone euro, a demandé la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen). Ces décisions ne témoignent plus d’aucun égard ni d’aucune considération pour la vie économique et la société civile, ni d’aucune préoccupation pour leurs effets à long terme, en matière de croissance potentielle en particulier, sur ces économies. On n’avait pas vu de décisions politiques aussi totalitaires pour l’économie depuis Staline. L’investisseur intelligent, selon le mot de Benjamin Graham, doit-il désormais apprendre à trader ce nouveau champ qu’est la politique ?
La politique « zéro Covid » en Chine : erreur économique ou maoïsme assumé ?
Les origines politiques du retour de l’inflation