Le 20 novembre 2019, par
Depuis plusieurs années, l’Allemagne freinait résolument les discussions autour d’un pot commun d’indemnisation des clients des banques, en cas de faillite de ces dernières, refusant de voir ses épargnants payer pour les banques en difficulté des autres pays européens. Pourtant, ce mercredi 6 novembre 2019, le ton a radicalement changé outre-rhin. Les difficultés financières de Deutsche Bank et de Commerzbank, les deux premières banques allemandes, y sont-elles pour quelques chose ?
En effet, le ministre allemand des Finances, Olaf Scholz, s’est montré ouvert, mercredi, à l’adoption d’un système européen de garantie des dépôts, dans une tribune publiée dans la presse, signalant que l’Allemagne pourrait lever son frein sur ce sujet capital pour l’Union bancaire.
Cette prise de position du ministre du gouvernement d’Angela Merkel intervient alors que la candidate désignée pour la présidence de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, a déjà promis d’achever l’Union bancaire et notamment la mise en place d’un système européen de garantie des dépôts (EDIS en anglais).
Pourtant, l’Allemagne freine depuis des années la concrétisation de ce système, car elle refusait de voir ses épargnants payer pour les 100 000 premiers euros des clients des banques en difficulté dans les pays du sud de l’UE, notamment en Italie.
Que s’est-il passé ? Qu’est-ce qui explique un tel revirement ?
Pour bien comprendre, il faut comprendre comment sont garantis les fonds des européens déposés en banque aujourd’hui.
DIRECTIVE BRRD
Depuis 2016, la directive européenne BRRD (Directive sur le redressement et la résolution des banques) définit un processus unique en cas de faillite de banque en zone euro. Cette directive oblige une banque en situation de faillite, à saisir l’argent des déposants et épargnants, au-delà de 100.000 euros, pour reconstituer ses fonds propres, avant que l’Etat dont dépend la banque, ou la BCE, ne décident si elles souhaitent, ou ne souhaitent pas, mettre oeuvre un plan de sauvetage de ladite banque. Une telle ponction de l’argent des clients au-delà de 100.000 euros en cas de faillite de banque est aujourd’hui la règle pour tous les épargnants de la zone euro. Elle est en train d’être réalisée dans une banque lettone (PNB Banka) au moment même où nous écrivons ces lignes.
Donc, l’argent des épargnants n’est aucunement garanti au-delà de 100 000 euros. Et en-deçà ?
LE FONDS DE GARANTIE DES DÉPÔTS ET DE RÉSOLUTION
En deçà de 100 000 euros, aujourd’hui, ce sont des fonds nationaux, créés en France par un loi de 1999, qui assurent votre épargne jusqu’à cette somme. Or, il faut savoir que les Fonds de Garantie des Dépôts n’ont que très peu d’argent pour sécuriser votre épargne inférieure à 100 000 euros. Le fonds français, par exemple, détient moins de 4 milliards d’euros, pour plus de 2000 milliards de dépôts bancaires (appelée M2 par les monétaristes). Ainsi, ces fonds pourront réagir en cas de faillite d’une petite banque régionale, mais pas s’il arrivait quelque chose à la première banque du pays, comme l’est Deutsche Bank en Allemagne…
LES DEUX PREMIÈRES BANQUES ALLEMANDES EN PERDITION
A ce jour, Deutsche Bank et Commerzbank, pour ne parler que d’elles, première et deuxième banques du pays sont en très grandes difficultés financières : depuis plus d’un an, Angela Merkel fait tout pour qu’on ne déclare pas officiellement la faillite, car une telle déclaration obligerait la banque à saisir les dépôts des clients au-delà de 100 000 euros – ce qui créerait un bank run et une crise bancaire systémique.
Mais nous voyons qu’en réalité, même les 100 000 premiers euros ne sont pas assurés : les fonds de garantie nationaux, en France comme en Allemagne, sont très insuffisamment alimentés. Ils représentent moins de 1% des encours.
L’ALLEMAGNE SERA-T-ELLE LE PREMIER PAYS À UTILISER LE FUTUR FONDS DE GARANTIE EUROPÉEN ?
Nous pensons que c’est vraisemblablement la raison qui a poussé l’Allemagne à changer d’avis, ce mercredi 6 novembre 2019, et à demander la mise en place de cette garantie européenne des dépôts jusqu’à 100 000 euros.
Au vu de la santé de ses banques, dont le leverage ne cesse de s’aggraver malgré des mesures fortes, comme le montrent leurs bilans trimestriels, l’Allemagne, qui ne voulait pas payer pour les autres banques jusqu’ici, pourrait bien être le premier pays à avoir besoin de la solidarité européenne…
Combien êtes-vous prêts à payer pour rembourser les épargnants allemands dans l’éventualité d’un défaut de Deutsche Bank, de Commerzbank ?
Liens utiles
Article par dans Le Figaro : “Le ministre allemand des Finances favorable à une garantie européenne des dépôts”
Article par dans La Tribune : “En plein recentrage, Deutsche Bank navigue vers une nouvelle perte abyssale”
Article paru dans Les Echos : “Commerzbank chasse un million de clients non rentables“
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